Les bains d'huiles aggravent-ils les pellicules et la dermite séborrhéique ?

La dermite séborrhéique est une affection inflammatoire chronique de la peau, caractérisée par des plaques rouges, des squames grasses (semblables à des pellicules), et des démangeaisons, principalement localisées au niveau du cuir chevelu, des ailes du nez, des sourcils ou encore derrière les oreilles. Cette affection est souvent liée à une prolifération excessive d’une levure naturellement présente sur la peau : Malassezia.
Bien que de nombreuses personnes utilisent des huiles végétales pour apaiser ou hydrater leurs cheveux, il est important de savoir que certaines huiles peuvent, en réalité, aggraver les symptômes de la dermite séborrhéique et des pellicules.
La levure Malassezia et son appétit pour certains lipides
La levure Malassezia, qui inclut plusieurs espèces comme Malassezia furfur, M. globosa ou M. restricta, fait naturellement partie du microbiome cutané. Chez certaines personnes, cette levure peut proliférer de manière excessive, en particulier dans les zones riches en sébum, déclenchant une réaction inflammatoire.
Ce champignon se distingue par une caractéristique particulière : il est lipophile, c’est-à-dire qu’il a besoin de lipides (matières grasses) pour se développer. Plus précisément, il se nourrit d’acides gras de longueur carbone C12 à C24, ce qui correspond à des acides gras dont la chaîne carbonée contient entre 12 et 24 atomes de carbone.
Par exemple :
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L’acide laurique a 12 atomes de carbone (C12),
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L’acide oléique, très présent dans l’huile d’olive, a 18 atomes (C18),
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L’acide arachidique contient 20 atomes (C20).
Ces acides gras sont très présents dans de nombreuses huiles végétales couramment utilisées dans les soins cosmétiques.
Comment Malassezia digère les huiles : rôle des lipases et phospholipases
Malassezia ne peut pas métaboliser les graisses complexes directement. Elle utilise pour cela des enzymes spécifiques : les lipases et les phospholipases.
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Les lipases sont des enzymes capables de décomposer les triglycérides (le principal type de graisse dans les huiles) en acides gras libres.
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Les phospholipases agissent de manière similaire mais sur les phospholipides, composants essentiels des membranes cellulaires.
Une fois libérés, les acides gras libres de type C12 à C24 deviennent une source de carburant idéale pour la levure, favorisant sa prolifération. Ce processus s’accompagne souvent de la production de composés inflammatoires, qui irritent la peau et provoquent les symptômes caractéristiques de la dermite séborrhéique : rougeurs, squames grasses, démangeaisons.
Les huiles les plus problématiques en cas de dermite séborrhéique
De nombreuses huiles naturelles, bien que populaires pour leurs propriétés hydratantes ou apaisantes, sont en fait très riches en acides gras à chaîne longue (C12 à C24). Voici quelques exemples d’huiles souvent utilisées dans les soins capillaires ou cutanés, mais qui peuvent nourrir Malassezia :
Huile | Principaux acides gras présents |
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Huile de coco | Acide laurique (C12), myristique (C14), palmitique (C16) |
Huile d’olive | Acide oléique (C18) |
Huile d’avocat | Acide palmitique (C16), oléique (C18) |
Beurre de karité | Acide stéarique (C18), oléique (C18) |
L’huile de coco, en particulier, est un cas intéressant. Elle est souvent vantée pour ses propriétés antimicrobiennes, notamment grâce à l’acide caprylique (C8), un acide gras à chaîne courte aux effets antifongiques. Toutefois, elle contient environ 47 % d’acide laurique (C12), qui est très apprécié de Malassezia. Ainsi, au lieu d’inhiber la levure, elle peut paradoxalement favoriser sa croissance si elle est utilisée de manière prolongée sur une peau sujette à la dermite.
Le rôle du pH et des autres facteurs favorisant la levure
La croissance de Malassezia n’est pas seulement influencée par les lipides. Le pH de la peau joue également un rôle clé.
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Un pH légèrement acide (environ 4,5 à 5,5) est défavorable à Malassezia.
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Un pH plus neutre ou alcalin (au-dessus de 5,5) facilite l’activité enzymatique de la levure et la libération d’allergènes fongiques.
De plus, la présence de certaines vitamines (B1, B6) ou d’acides aminés (comme la glycine et l’asparagine) peut aussi stimuler la croissance fongique en cas d’abondance de lipides sur la peau.
Recommandations pour les soins des cheveux et du cuir chevelu
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Évitez les bains d'huile en cas de pellicules ou dermite séborrhéique: huiles végétales classiques (coco, olive, jojoba, argan…), esters, alcools gras, polysorbates, céramides à longues chaînes.
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Favorisez les formulations à pH acide (4,5 – 5,5) et sans parfum.
- Cibler des produits qui respectent le microbiote du cuir chevelu: Prébiotiques, probiotiques
Quelles alternatives d’huiles sont sûres ?
Heureusement, il existe des alternatives qui ne nourrissent pas Malassezia. Voici trois types de corps gras généralement considérés comme sûrs pour les peaux sujettes à la dermite séborrhéique :
1. Huile MCT (Triglycérides à chaîne moyenne)
Les huiles MCT (Medium Chain Triglycerides) sont constituées d’acides gras courts, principalement C8 (acide caprylique) et C10 (acide caprique). Ces acides gras ne sont pas utilisables par Malassezia, ce qui les rend idéals en tant qu’hydratants.
2. Squalane
Le squalane est une forme stable et hydrogénée du squalène, une molécule naturellement présente dans le sébum humain. Il est non-comédogène, non nutritif pour les levures, et offre une excellente tolérance cutanée.
Conclusion
Certaines huiles, en particulier celles riches en acides gras à chaîne longue (C12 à C24), peuvent involontairement nourrir la levure Malassezia, principale responsable de la dermite séborrhéique. Ce processus biologique repose sur l’action de lipases et phospholipases, qui libèrent des acides gras libres à partir des lipides appliqués sur la peau. Ces acides gras deviennent alors un substrat parfait pour la croissance de la levure, ce qui aggrave les rougeurs, les squames et les démangeaisons.
Pour les personnes sujettes aux pellicules ou à la dermite séborrhéique, il est donc essentiel de choisir déviter de réaliser des bains d'huile et d'utiliser des soins adaptés, exempts d’huiles riches en C12–C24. Une meilleure compréhension des ingrédients permet d’adopter une routine plus respectueuse de votre peau et de mieux contrôler cette affection chronique.
https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC7098993/
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35642120/